Charniers et vols de la mort : l'Argentine continue de découvrir les horreurs de la dictature
LEMONDE.FR | 16.12.11 | 18h25 • Mis à jour le 16.12.11 | 18h25
La dictature militaire en Argentine (1976-1983) n'a pas seulement commis des crimes contre l'humanité, elle a aussi essayé de les cacher. Depuis quelques jours, les exactions perpétrées lors de cette période de l'histoire du pays resurgissent et témoignent de son horreur. Le Centre d'information judiciaire (CIJ) a ainsi révélé, mercredi 14 décembre, la découverte d'un nouveau charnier dans l'ancien arsenal Miguel de Azcuénaga à Tucuman, dans le nord du pays. Le lendemain, des photographies et des documents prouvant l'existence des "vols de la mort" ont été rendus publics.
Les restes d'au moins quinze personnes ont ainsi été découverts dans une fosse commune sur le site de l'ancien arsenal, dans le cadre des fouilles menées sur place par l'équipe d'anthropologie médico-légale. "Les corps ont été retrouvés à différents niveaux de profondeur", précise le CIJ sur son site Internet. Aux côtés des squelettes, partiellement carbonisés, les scientifiques ont constaté la présence de douilles.Par ailleurs, les équipes médico-légales ont identifié, mardi, la personne dont le pied droit avait été retrouvé au milieu des restes d'autres victimes, début 2010, au Pozo de Vargas. Il s'agit de l'ancien sénateur Guillermo Vargas Aignasse, enlevé en 1976 devant sa famille, précise La Nacíon.
DES PREUVES MATÉRIELLES DES "VOLS DE LA MORT"
Jeudi 15 décembre, la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) a transmis au juge fédéral Sergio Torres des documents prouvant l'existence des "vols de la mort" – une des techniques auxquelles avait l'habitude de recourir l'armée lors de la dictature pour se débarrasser des prisonniers politiques. Y figurent près de cent trente clichés qui confirment que les militaires de l'Ecole supérieure de mécanique de l'armée (ESMA) – qui fut le plus important des centres de détention utilisés lors de la "guerre sale" –, jetaient les opposants dans la mer du haut d'avions. Les corps étaient ensuite laissés à la dérive. Certains, charriés par le courant, venaient s'échouer au large des côtes de l'Uruguay.
La majorité des victimes a été retrouvée pieds et poings liés. Certaines ont été torturées avant d'être jetées à l'eau, comme le révèlent les marques laissées sur leurs cadavres par des décharges électriques réalisées à l'aide de pinces métalliques.
Il est dorénavant question d'identifier la personne qui a pris les photographies. Selon la presse argentine, il s'agirait d'un Uruguayen qui a fui son pays dans les années 1980. L'objectif est de recueillir son témoignage pour contextualiser les faits : dates de prise des clichés, coordonnées géographiques précises, etc.
Le secrétaire général de la CIDH, Santiago Canton, considère que ces documents "viennent clore un cycle, commencé avec le recueil des plaintes concernant de graves violations des droits de l'homme et qui permet aujourd'hui de poursuivre les responsables".
Les organisations des droits de l'homme estiment que 30 000 personnes sont mortes lors de la répression politique liée à la dictature. Depuis l'accession au pouvoir de Nestor Kirchner (2003-2007), l'annulation des lois d'amnistie votées sous la présidence de Carlos Menem (1989-1999) et la réouverture des procès, les autorités souhaitent que les militaires responsables d'exactions soient rapidement condamnés.
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Le Monde.fr
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